Ce 14 août, Koichi Itagaki scanne le ciel avec son télescope de 180 mm, à la recherche d’objets inconnus. Il remarque sur ses photos la présence d’une étoile invisible habituellement dont il mesure la magnitude à 6,8. La veille, la magnitude mesurée sur des photos prises par Denis Denisenko, astronome russe, était encore de 17,1. L’étoile s’appelait encore PNV J20233073+2046041. La progression a donc été fulgurante !
Dès le 15 août, la SAB est sur le pied de guerre.
Qu’est-ce qu’une nova ?
On appelle “nova” une étoile qui augmente de luminosité de manière spectaculaire et très rapidement. À l’origine de Nova Del 2013 : une petite étoile bleue référencée sous les noms de PNV J20233073+2046041, ou USNO-B1.0 1107-0509795 (coordonnées : R.A. = 20h23m30s.713, Dec. = +20o46’03 ».97), associée à la source ultraviolet GALEX J202330.7+204603. Elle a soudain gagné 13 magnitudes (de 17,4 à 4,4), se mettant à briller 150 000 fois plus que d’habitude. Pourquoi ?
Cette image montre le ciel avant et après l’apparition de la nova. |
Position de l’étoile avant le 14 août. |
En fait, une nova se produit au sein d’une étoile double, dont l’une est une naine blanche, c’est-à-dire un cadavre d’étoile très dense. L’étoile bleue PNV est sans doute le compagnon de cette naine blanche : il s’est approché d’elle un peu trop près et s’est fait arracher une partie de sa matière. En tombant sur la naine blanche, la matière s’est fortement échauffée puis a rebondi sur cet objet qui est trop compact pour pouvoir absorber quoi que ce soit. Il s’est ainsi formé une bulle de gaz en expansion, de plusieurs millions de degrés, tellement chaude qu’elle est le siège de multiples réactions nucléaires, et qu’elle s’observe comme une “explosion de lumière”. Exemple de nova persei :
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Que faire avec une nova ?
Une “nouvelle étoile” jusque-là anonyme et difficilement repérable par nos télescopes, qui d’un seul coup devient visible à l’œil nu, cela n’arrive pas tous les jours.
C’est d’abord une curiosité que l’on peut s’amuser à repérer. Dans sa vocation grand public, la SAB s’est d’abord attachée à l’observer, la photographier et à en faire profiter ses adhérents et le grand public.
Mais ce n’est pas tout : les astrophysiciens veulent connaître ce phénomène plus précisément. Les amateurs, qui sont de mieux en mieux équipés et de plus en plus expérimentés aux observations fines, ont donc fourni un grand nombre de mesures et de relevés, collectés partout à travers le monde. C’est le principe de la science participative : une contribution des amateurs aux travaux de recherche. Aucune nova n’avait encore été aussi surveillée : une aubaine pour les astronomes professionnels.
La repérer, l’observer la photographier
Dès que l’alerte a été donnée, la SAB a été sur le pont. Trouver ses coordonnées, la repérer sur une carte, la trouver dans le ciel, la photographier. Puis communiquer cette découverte au public via la presse, qui a repris l’information. Certains d’entre nous l’ont immortalisée pour le souvenir, d’autres, jour après jour, pour voir son évolution.
Suivez la Flèche !
Nova Delphini 2013 est apparue dans le ciel, entre la Flèche et le Dauphin.
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Vous trouverez ici une carte du ciel avec la position de la nova.
Images SAB
Vincent Boudon – 19/08/2013 |
Jean-Christophe Clausse – 19/08/2013 |
FR3 a réalié un beau reportage sur la SAB en pleine action !
D’autres sites parlent de la SAB :
L’étudier : par la photométrie
La photométrie, c’est mesurer la luminosité d’un astre et son évolution. Elle s’applique surtout aux étoiles variables. L’AAVSO aux États-Unis et l’AFOEV en France, regroupent les amateurs passionnés d’étoiles variables et récoltent leurs mesures.
Roger Pieri, à la SAB, transmet régulièrement ses mesures à l’AAVSO et c’est d’ailleurs lui qui nous a immédiatement prévenus de l’apparition de cette nova qui avait mis en ébullition tous les variabilistes dans la nuit du 14 au 15 août. Dans cet article, il nous présente de façon plus précise la photométrie stellaire.
Ainsi depuis le début, un certain nombre d’observateurs à travers le monde suivent assidument la nova et confient leurs relevés à l’AAVSO. Deux méthodes existent :
- Soit à l’œil nu (avec ou sans instrument, jumelles ou autre) en comparant avec les étoiles environnantes, de magnitude connue.
- Soit sur la base de photos : des logiciels spécialisés mesurent finement la luminosité de la nova avec un algorithme la comparant avec les étoiles du même champ.
Voici le relevé de toutes les observations en visuel :
Comment l’interpréter ? On distingue en fait trois phases :
Une montée rapide
La nova gagne 13 magnitudes en un peu plus de 24 h. Le maximum retenu est la magnitude 4,4. C’est le début de l’expansion : la bulle de gaz vient de rebondir, elle s’échauffe au maximum dans un mouvement entretenu par les réactions nucléaires. La matière qui est éjectée est totalement ionisée et transporte avec elle un champ magnétique puissant qui doit participer à la dynamique de la nova.
Une phase de stagnation / fluctuation (17, 18, 19)
Cette phase est assez méconnue des astrophysiciens. On peut assister parfois à des rebonds de luminosité. Pendant que la bulle de gaz s’étend, se dilue, que les réactions nucléaires s’arrêtent, que les atomes se recombinent et que la bulle devient transparente, d’autres phénomènes prennent sans doute le relais.
La décroissance
Elle est assez rapide. La sphère de gaz se dilue, la bulle se refroidit. Les magnitudes dans le bleu et le vert s’effondrent, celle dans le rouge reste constante. C’est sans doute la preuve que la température diminue : la bulle est un corps noir en expansion qui se refroidit.
Pour ce phénomène rare qu’est Nova Del 2013, Roger Pieri a réalisé ses propres mesures sur un rythme effréné d’une capture par demi-heure chaque nuit où c’était possible. On voit bien l’accroissement rapide lors de la première nuit : 0,2 mag par heure environ ; puis des fluctuations, avec un léger rebond le 17 de 0,05 mag. La nuit du 18, une seule mesure a été faite pour cause de nuages.
L’étudier : par la spectrométrie
La spectrométrie, c’est décomposer la lumière de la nova en différentes couleurs (tri en fonction de la longueur d’onde) puis étudier l’intensité lumineuse dans chaque couleur.
À la SAB, c’est André Favaro le spécialiste du genre. Il a observé la nova depuis son observatoire installé au centre ville de Dijon, le 16/08/ 2013 à l’aide d’un télescope de 200 mm de diamètre sur lequel était monté un spectromètre basse résolution. La Nova étant très brillante, trente minutes ont suffi pour réaliser ce spectre.
Les étoiles de type étoile P-Cygni sont entourées d’un fort vent stellaire et d’une bulle de gaz en expansion. Dans ce spectre, à proximité de la raie H-alpha, on peut voir deux composantes :
La lumière du gaz en expansion
C’est un gaz très chaud, qui émet en H-alpha, comme pour les étoiles Be. Par rapport à nous, on voit à la fois ce gaz projeté vers l’avant et vers l’arrière, avec des vitesses radiales réparties depuis 0 à la périphérie de la sphère, à un maximum au centre. Cette distribution symétrique de blueshits (décalage vers le bleu) et de redshifts (décalage vers le rouge) donne une raie H-alpha centrée sur la valeur de référence, mais élargie et qui doit d’élargir avec le temps à mesure que la bulle s’étend.
La lumière de l’étoile
Elle est par contre absorbée en H-alpha par le nuage de gaz. Mais comme ce nuage est en expansion, le creux correspondant à l’absorption subit un blueshift.
En mesurant ce blueshift on peut connaître la vitesse d’expansion de la bulle. Nous le mesurons à 653,8 nm au lieu de 656,3, soit un décalage de 2,5 nm, qui correspond à une vitesse de 1140 km/s. Avec une autre méthode plus précise, calibrée sur le profil de la courbe, les professionnels ont trouvé plus de 1200 km/s. Gigantesque ! Rapide calcul : en une semaine, la bulle aura atteint 725 millions de km, soit près de trois fois la distance Terre-Soleil !
La Nova a été également observée les 17 et 20 août à l’aide d’un spectromètre haute résolution, technique qui permet de zoomer sur une seule raie,ici la raie H-alpha (image 2).
On remarque l’évolution rapide de la raie en 72 heures, le profil P Cygni visible le 17, ne l’est plus le 20. L’analyse de H-alpha en haute résolution permet de calculer la vitesse d’expansion de la matière éjectée,dans le cas de la Nova del 2013 la vitesse est de plus de 1000 km/sec.
Le spectre évolue rapidement. Deux jours plus tard, le creux d’absorption avait disparu. Cela peut s’expliquer : en se diluant et en se recombinant, la bulle est devenue transparente et laisse passer la lumière de l’étoile sans l’absorber.
Et ci dessous la comparaison entre les 17 et 23 août :
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