Confinement et pollution lumineuse

Et l’une des mesures mises en place, est celle de la coupure de l’éclairage public en milieu de nuit.

Ce n’est pas une pratique nouvelle, l’extinction est déjà répandue assez largement sur le territoire, encore plus dans les zones rurales pour lesquelles les besoins en éclairage de manière permanent, sont moindres.

Mais c’est sans doute quelque chose qu’il nous faut relever : des communes qui ne pratiquaient pas forcément l’extinction de leur éclairage public, le font désormais.

Quels en sont les bénéfices outre l’incitation à rester chez soi ? Quelques éléments de réponses avec Romain Sordello, ingénieur-expert en biodiversité au Muséum National d’Histoire Naturelle :

« L’extinction en cœur de nuit est une mesure de bon sens : cela ne sert à rien d’éclairer s’il n’y a aucun besoin et généralement en cœur de nuit c’est le cas, en particulier dans les petites communes.

Éteindre en cœur de nuit a des bénéfices clairs sur la visibilité du ciel étoilé ou sur le budget d’électricité, c’est évident. En revanche sur la biodiversité, nous ne disposons que de deux études scientifiques qui ont porté sur les chauves-souris et ces études montrent que le bénéfice d’éteindre en cœur de nuit pour ces espèces n’est pas si évident. Pour plusieurs raisons, notamment parce que les espèces ne changent pas d’habitudes si rapidement après la mise en place de l’extinction et d’autres part parce que les chauves-souris sont majoritairement actives en début et fin de nuit (comme beaucoup d’animaux nocturnes en réalité).

C’est donc assez complexe en l’état actuel des connaissances même s’il est fort probable/certain que l’extinction en cœur de nuit ait des bénéfices que nous n’avons pas encore mesuré bien sûr (sur la flore, les insectes, …).

Que l’on parle d’extinction en cœur de nuit ou d’extinction tout court (suppression d’éclairage par exemple), la « résilience » de la biodiversité nocturne à la suite de telles pratiques n’a pas encore été étudié hors mis ces deux études. En clair, si la pollution lumineuse en elle-même est bien réversible (dès que l’on éteint on retrouve l’obscurité), on ne sait pas si les effets de cette pollution sur le vivant le sont. »

Concernant l’astronomie, la pratique d’une extinction de l’éclairage public aura bien entendu un effet immédiat sur la qualité du ciel. Encore faut-il que les astronomes puissent sortir de chez eux.

« Le confinement généralisé a eu comme effet l’arrêt de toutes les observations astronomiques professionnelles tant à l’OHP (Observatoire de Haute Provence) qu’à l’ESO au Chili. Ceci pour une raison simple, ces observatoires de mission reçoivent normalement des personnes de plusieurs pays et ne sont plus autorisés à le faire, suite aux restrictions sur les voyages et aux consignes de distanciation sociale. 

Seuls les télescopes entièrement robotisés, si la météo le permet, pourraient profiter d’une baisse de la brillance du ciel nocturne si suffisamment de communes pratiquent ce type d’extinction. Ceci dit, la lumière qui est diffusée au zénith d’un site donné est la somme des contributions des émissions produites par toutes les sources situées à plusieurs dizaines voire centaines de km autour du site. Il faudrait que ce type de démarche se généralise pour que cela soit bénéfique aux observatoires. »

Sergio ILOVAISKI, astronome à l’Observatoire de Haute Provence

Au final, si le confinement n’aura que peu d’impact sur la pollution lumineuse à long terme, il ne faut pas oublier que les conséquences de l’éclairage artificiel sur les activités astronomiques ou même sur la biodiversité sont réelles.
Alors, éclairons juste et soyons respectueux de notre environnement !

Contact : Jérémy Balledant
06 61 62 70 16
Jeremy.balledant@sab-astro.fr

Photo : Filé d’étoiles depuis Dijon, le 26/04/20 – Auteur Dominique Dhoosche

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