Photométrie stellaire

Mesurer, classer est une approche élémentaire en science, déterminer et classer l’éclat, la luminosité, des étoiles a été entrepris depuis l’antiquité. Hipparque a estimé et classé l’éclat des étoiles en six grandeurs, simplement par comparaison visuelle. Au dix-neuvième siècle les astronomes ont commencé à mesurer l’éclat des étoiles, Pogson remarqua qu’un écart de cinq grandeurs des anciens correspondait à un rapport de flux lumineux de 100. L’échelle créée par les anciens est en fait logarithmique, rien de surprenant puisque nous savons maintenant que la sensibilité de notre vision est logarithmique. Les astronomes ont conservé cette échelle et défini l’étoile Véga comme référence « zéro » des magnitudes. Comme dans le système ancien, les étoiles plus faibles ont une magnitude positive, d’autant plus élevée que les étoiles sont faibles. Les quelques très brillantes ont une magnitude négative. Ces magnitudes correspondent donc au logarithme (-2.5 fois en fait) du ratio des flux lumineux de chaque étoile par rapport à Véga. Ces magnitudes sont dites « visuelles » et « apparentes », donc estimées depuis la Terre à l’œil nu ou au télescope. On définit aussi des magnitudes absolues, indépendantes de la distance. Ensuite les plaques photographiques ont été longtemps utilisées, les magnitudes résultantes étant sensiblement différentes du fait de la sensibilité chromatique des émulsions, ce sont les magnitudes P, encore très présentes dans les catalogues. Dans les années cinquante les astronomes ont commencé à mesurer le flux physique, l’intensité lumineuse des étoiles à l’aide de photomètres électriques (des tubes photomultiplicateurs à l’époque). Johnson a alors redéfini un système photométrique dans plusieurs bandes de longueur d’onde, le système UBV : bleu profond+ultraviolet, bleu, visuel (le vert en fait), par la suite d’autres (Cousins…) on étendu le système au rouge+proche infra-rouge et infra rouge : le système UBVRI. Bien d’autres systèmes ont été développés depuis, mais nous utilisons surtout l’ UBVRI qui reste la référence. De nos jours les photomètres sont à base de photodiodes et d’électronique, mais sont le plus souvent remplacés par les caméras CCD et maintenant, chez les amateurs, par les capteurs CMOS des appareils photo numériques. En fait ces détecteurs silicium sont sensibles au flux de photons, on compte les photons, les grains de lumière, alors que le système UBVRI a été défini en intensité (énergie). Il faut donc tenir compte de l’énergie des photons, donc de la longueur d’onde.

De nombreux amateurs pratiquent l’observation de l’éclat des étoiles, soit visuellement, soit par photomètres, caméras CCD ou APN. Ils sont généralement regroupés au sein de l’AAVSO (American Association of Variable Stars Observers) qui fait office d’organisme international du domaine et d’interface avec les astronomes professionnels.

Mais pourquoi mesurer l’éclat des étoiles ? Les étoiles sont de luminosité absolue et de couleurs variées, les magnitudes UBVRI permettent de les classer en différents types et états d’évolution (Le diagramme HR). Mais toutes les étoiles ne sont pas ultra-stables comme la nôtre, le soleil. Certaines sont variables, c’est même général. L’étude de la variabilité des étoiles est une des bases de l’astrophysique. Il existe un grand nombre de classes de variables, toutes montrant des « courbes de lumière » fonction du temps, très différentes. Plus d’une centaine de types ont été caractérisés à ce jour. Certaines sont pulsantes régulières, comme les Céphéides qui servent de jalons de mesure de distances dans l’Univers proche. D’autres pulsent avec des variations périodiques de rythme, d’autres encore sont éruptives, ont des effets rotatoires, ont des éclipses de différentes natures… Les cataclysmiques sont proches des novas. Les novas et supernova sont aussi étudiées en photométrie, c’est d’ailleurs la photométrie grand champ qui permet généralement de les détecter. La photométrie est aussi utilisée pour détecter et caractériser les transits d’exoplanètes devant leur étoile, les astéroïdes, les phénomènes mutuels des satellites de Jupiter, de Saturne… Donc tous phénomènes où la lumière des objets célestes, sa couleur, sa variation temporelle, est porteuse d’information.

Les amateurs ont un rôle important dans ce domaine. Les grands instruments actuels de l’astronomie sont inadaptés techniquement et économiquement à ce travail. En revanche les amateurs disposent maintenant d’équipements très performants permettant un travail précis aussi bien sur des étoiles brillantes que très faibles. Le nombre d’observateurs et leur répartition géographique permettent un suivi bien plus continu des phénomènes, c’est important dans bien des cas. Dans ce contexte une large coopération amateurs-professionnels s’est développée autour de la photométrie et de la spectroscopie.

Il est d’ailleurs tout à fait possible d’observer les étoiles brillantes sans matériel spécialisé. Un appareil photo numérique sur pied, une focale moyenne, un ordinateur, suffisent pour faire un travail précis et contributif. Le programme Citizen Sky (NSF, AAVSO, universités et autres organisations) consacré à la campagne Epsilon Aurigae l’a bien démontré avec la participation de nombreux débutants. Des logiciels libres sont disponibles pour traiter les images et extraire les données à reporter aux bases de données de l’AAVSO. En visuel une simple paire de jumelles suffit !

La récente nova du Dauphin a été immédiatement suivie et confirmée par un large groupe d’amateurs, dès le 14/8, en visuel, en photométrie et en spectroscopie. La courbe de lumière ci-jointe a été obtenue à Dijon. Les télescopes classiques 8″~16″, fournissent un flux de photons trop important à une magnitude de 4 à 6 pour permettre une mesure correcte (saturation du capteur). L’observation a d’abord été faite avec une lunette de 80 mm et un APN reflex classique. Les jours suivants un téléobjectif de 200 mm F4 a été utilisé, éliminant des risques de saturation toujours présents avec la lunette. L’instrument est monté sur un équatorial léger et les mesures déclenchées toutes les 30 minutes. Une mesure est faite de cinq images de 20 à 30 secondes à 100 ISO. Les données RVB brutes du capteur de l’APN sont extraites des fichiers d’image RAW par un logiciel spécifique. Les données de chaque étoile sont ensuite corrigées de facteurs chromatiques, de gradient d’extinction… La mesure est faite par comparaison à un ensemble d’étoiles connues avec une précision suffisante et considérées stables. L’avantage du champ large des APN est qu’on peu avoir l’ensemble des étoiles dans une même image au même instant. Un point de mesure est la moyenne du groupe d’images. Une intégration sur une à deux minutes est nécessaire pour rendre l’effet de la scintillation acceptable. Des traitements statistiques permettent de déterminer la variabilité due à l’instrument et celle due à l’état du ciel. Ces jours derniers le ciel était très stable et l’écart-type du flux brut était de l’ordre de 5/1000 en100 secondes, donnant un écart-type après traitement de deux ou trois millimagnitudes. Nous disposons donc de résultats très précis pour cette première semaine d’observations. Les observations vont continuer à haute cadence jusqu’au point où la luminosité aura décru de 3 magnitudes depuis le maximum. Donc environ 7.5, le maximum étant d’environ 4.5 (Malheureusement ce maximum s’est produit lors de la nuit en zone Pacifique et n’a pas été suffisamment observé) .

Ce point important, à 3 magnitudes, devrait être atteint dans une dizaine de jours. Il est déterminant pour la confirmation du type de la nova. Ensuite la surveillance continuera pendant de nombreux mois à basse cadence.

En tout les résultats obtenus à ce jour sont remarquables, un des astronomes professionnels coopérant avec les amateurs a déclaré que cette nova est d’ores et déjà la mieux observée de tous les temps, en particulier grâce aux amateurs.

Roger Pieri.

 

 

NovDel2013 mV3 Roger Pieri*****

 

Share this content: