Comète Lovejoy ©Jean-Christophe Clausse |
Une nouvelle pierre à l’édifice
Malgré le nombre d’interrogations, il ne faut absolument pas penser que les études et plus particulièrement les missions spatiales à destination des comètes sont une nouveauté. En effet, l’Agence Spatiale Européenne (ESA) en 1985, a déjà envoyé la sonde Giotto afin de survoler la comète de Halley et les études furent intéressantes. On détecta 80 % d’eau, du monoxyde de carbone, du méthane et, entre autres, de l’ammoniac. Autrement dit, nous avons ici quelques molécules organiques. De plus, les scientifiques eurent aussi la certitude que les comètes sont des objets primitifs.
Dans le même registre, il se doit aussi d’évoquer la mission de la NASA Stardust qui, en 2006, a survolé la comète Wild 2 et a ramené sur Terre des poussières de celle-ci. L’analyse des ces dernières a permis de découvrir des traces de glycine (le plus simple et petit des acides aminés, constituant de certaines protéines).
La sonde Giotto ©ESA |
La sonde Stardust ©NASA |
Au fil des études, les comètes deviennent ainsi de plus en plus intéressantes. Il faut donc continuer à les étudier… C’est dans cette optique que l’ESA, au début des années 1990, a décidé de renouveler une mission cométaire. Quelques discussions et études plus tard, une idée fit son chemin : pour étudier une comète, quoi de mieux que d’être à la surface de cette même comète avec le laboratoire adéquat ? La mission et la sonde Rosetta venaient de naître. Son objectif fut temporairement la comète Wirtanen mais c’est au final l’étude de la comète Churyumov-Gerasimenko (surnommée « Chury » pour les intimes) qui aura lieu. Encore un survol de comète ? Non : il faut innover pour progresser. La mission se déroulera donc en plusieurs étapes…
Une pierre finement taillée par l’ESA
Cette nouvelle mission n’est pas le fruit d’une collaboration internationale comme la plupart des missions actuelles : c’est une mission européenne uniquement, comme la mission Giotto d’ailleurs, ayant coûté environ un tiers du budget annuel de l’agence (soit plus d’un milliard d’euros). Plusieurs années d’études, de construction furent nécessaires et malgré quelques retards, la sonde fut lancée le 2 Mars 2004 par une fusée Ariane V. À partir de sa mise en orbite, un très long voyage attend Rosetta. En effet, les sondes spatiales effectuent rarement un chemin en ligne droite : elle ne disposent pas d’assez de carburant pour cela. Il va donc falloir utiliser l’assistance gravitationnelle, c’est à dire passer très près de corps massifs (des planètes par exemple) afin de gagner de la vitesse. Notre sonde va donc frôler la Terre, puis Mars, revenir vers la Terre et enfin s’élancer vers Chury avec une vitesse d’environ 39 kilomètres par seconde. Il aura fallut 5 années afin d’imprimer cette vélocité à la sonde. Durant ce laps de temps, ainsi qu’au début du « réel » voyage vers la comète, Rosetta n’est cependant pas restée inactive, loin de là : elle a survolée quelques astéroïdes et ses instruments ont été utilisés sur la planète Mars lors de sa courte visite.
Rosetta s’éloignant maintenant assez loin du Soleil, ce qui est équivalent à dire qu’elle ne recevra plus suffisamment d’énergie pour rester optimalement éveillée, la sonde est mise en hibernation pour deux ans et demi environ. Le réveil n’aura lieu que quelques mois avant d’atteindre la comète.
La sonde Rosetta – |
La sonde qui fait une pierre deux coups
Le 20 Janvier 2014, Rosetta s’est réveillée. Le voyage n’est cependant pas encore terminé : la mise en orbite autour de Chury n’est prévue que pour Août 2014 mais il est impératif d’effectuer quelques manœuvres afin de réduire sa vitesse (on rétrograde en 2ème) et de corriger sa trajectoire. Lorsqu’elle sera en orbite, les études pourront commencer. Étudions le scénario prévu pour cette date :
Premièrement, la batterie d’instruments de la sonde commencera à opérer : plus d’une dizaine sont intégrés à Rosetta. On dénombre particulièrement plusieurs spectromètres et des imageurs. Les premiers permettront, entre autre, de déterminer la composition à distance du noyau, de la queue, des particules émises ainsi que de l’atmosphère de Chury. La motivation de ces recherches est, par exemple, l’étude plus approfondie, s’il y en a, des molécules organiques que possède la comète ou encore, les réactions chimiques qui s’y déroulent. Les imageurs, quand à eux, permettront de cartographier la surface, topologiquement, thermiquement ainsi que la constitution superficielle de Chury afin de trouver un endroit assez dégagé. Ce dernier objectif paraît assez mystérieux… Pourtant, il a bel et bien une utilité !
Alors pourquoi un tel objectif ? Tout simplement car la deuxième étape, la plus importante mais aussi la plus compliquée de la mission, est de déposer à la surface de Chury un petit atterrisseur, nommé Philae, début Novembre 2014. C’est lui qui jouera le rôle de laboratoire et c’est là que les innovations commenceront et donc, espérons le, un nouveau pas en avant dans notre compréhension des comètes. Philae sera le premier module à atteindre la surface d’une comète, ce qui permettra d’effectuer des analyses significatives jamais réalisées auparavant. En effet, notre atterrisseur dispose lui aussi d’une dizaine d’instruments à son bord.
Philae embarque lui aussi quelques spectromètres et des imageurs mais relativement différents de ceux de Rosetta. Maintenant, ce ne sont plus des analyses à distance : des échantillons seront directement prélevés. Le COSAC, par exemple, est un instrument qui analysera les molécules plus complexes en effectuant une pyrolyse. C’est à dire que les échantillons prélevés seront soumis à une température de plusieurs centaines de degrés puis analysés. Un autre spectromètre, celui-ci à rayon alpha, protons et X permettra de déterminer la composition du noyau de la comète. D’autres instruments auront aussi la tâche de mesurer le champ magnétique, l’interaction avec le vent solaire, la structure interne de la comète et plus encore… C’est donc une mission très ambitieuse.
Rosetta et l’atterrisseur Philae ©ESA |
Philae à la surface ©ESA |
Vous l’aurez sans doute compris, c’est avec Philae que la mission se corse. Le nombre d’incertitude concernant l’atterrissage est assez élevé car beaucoup de paramètres rentrent en compte. On peut citer l’exemple de la gravité à la surface de Chury : celle-ci est très faible comparé à celle de la Terre et notre module ne pèsera donc que quelques grammes à sa surface ! La vitesse de descente devra donc être minutieusement ajustée. Mais le supplice pour les scientifiques dans tout cela, c’est que l’atterrissage se fera automatiquement… Le contrôle direct est exclu car la Terre est bien trop loin. Les communications mettront environ 1h30 pour faire l’aller retour, ce qui signifie aussi qu’il faudra attendre trois bons quarts d’heure avant d’avoir la confirmation de l’atterrissage.
Une vraie pierre de Rosette
La mission de Rosetta et de Philae peut être d’une durée extrêmement courte comme extrêmement longue. L’atterrisseur possède des batteries qui le maintiendront en vie au minimum cinq jours ce qui correspond à la durée supposée pour remplir les objectifs principaux de la mission. Ensuite, le Soleil sera la seule source d’énergie et suivant les conditions, les études de Philae pourront continuer ou non. D’un autre côté Rosetta, elle, continuera ses observations : la sonde étudiera notamment le dégazage de la comète lors de son passage près du Soleil. Les études sont prévues pour continuer jusqu’en Décembre 2015 mais une extension de durée n’est pas exclue selon l’état de la sonde. Lorsque la mission sera réellement terminée, Rosetta restera et s’éteindra aux alentours de Chury.
Pour la petite anecdote, la sonde emporte avec elle un « disque de Rosette ». Ce disque est un peu dans la même optique que les plaques disposées sur les sondes Pioneer sauf qu’à l’instar de ces plaques, le disque est gravé d’un texte écrit en plusieurs centaines de langues. Si nos descendants la redécouvre (la comète Chury étant périodique, elle repasse régulièrement) ils auront alors à leur disposition une véritable pierre de Rosette des temps modernes.
Le disque de Rosette ©ESA |
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