"La Terre plate. Généalogie d'une idée fausse." par Violaine Giacomotto-Charra et Sylvie Nony, Folio Histoire / Les Belles Lettres, 2021.
Écrit par ue historienne et une physicienne, il ne parle absolument des fadas platistes d'aujourd'hui. Mais il s'attache à démonter, décortiquer et comprendre un mythe fortement enraciné dans notre société actuelle : "Au Moyen-Âge, on pensait que la Terre était plate". Ce qui est totalement, absolument, rigoureusement … faux !
Les deux autrices analysent cette légende très finement et l'ouvrage est très documenté et source. C'est vraiment passionnant.
En gros, ce mythe a été littéralement monté de toute pièces à partir de la du 1èème siècle, mais surtout développé au 19ème siècle, essentiellement pour des raisons idéologiques visant à dénigrer et caricaturer le Moyen-Âge. Mais il est remarquable qu'il perdure aujourd'hui, y compris dans l'enseignement actuel.
Quelques éléments notables :
- On sait que la Terre est sphérique depuis Pythagore puis Platon (malgré son nom ). Et le savoir en question (mis à part sans doute des points mathématiques techniques, revenus plus tard grâce aux astronomes arabes) ne s'est absolument pas perdu après l'antiquité.
- Il est fou de constater que beaucoup de gens pensent que Galilée a démontré (et été condamné pour cela) que la Terre était sphérique. Pourtant la question ne faisait absolument pas débat à son époque (ni au cours des 2000 ans précédents) ! La question concernant Galilée était la place et le mouvement de la Terre.
- Le 19ème et le 20ème siècle ont voulu faire de Christophe Colomb un héros de la modernité ayant démontré par son exploration la rotondité de la Terre. Or, si non seulement lui-même n'en n'a jamais douté, ce n'est pas non plus le cas des religieux (la commission Talavera) qui l'a "cuisiné" lors de sa demande de financement à l'Espagne. La question portait sur la longueur de la circonférence Terrestre, afin de déterminer si le voyage était ou non réalisable. Colomb a d'ailleurs délibérément truqué les données et menti à ses équipages pour faire croire que le voyage serait plus court.
- L'Église ne prêchait pas du tout une Terre plate (à part quelques marginaux inconnus à leur époque mais dont les textes ont été exhumés très tard), au contraire. L'idée de la forme sphérique parfaite, donc divine, trônant aux centre de la Création, lui allait parfaitement.
- Le débat religieux portait généralement sur le présence de vie, ou non, aux antipodes qui apparaissaient trop lointaines pour que les descendants d'Adam aient pu y arriver …
Et j'aime beaucoup ces éléments de conclusion :
Comme toujours : vive la culture scientifique !Comment modifier des habitudes d'enseignement qui perdurent souvent oralement alors même que les manuels commencent (un peu) à se mettre à jour (avec un retard de près de 2 000 ans, donc...) ? Sans doute en élevant le niveau de culture scientifique de tous, et en associant en particulier cette culture à l'apprentissage des sciences elles-mêmes. Nous voudrions plaider ici pour l'histoire des sciences, une discipline difficile, qui nécessite une double approche, à la fois scientifique et historique.