Je recopie ici une série de petits articles intéressants de Franck Selsis sur Proxima b et les exoplanètes en général.
N°1 Que sont Alpha du Centaure, Proxima du Centaure et Proxima b ?
Alpha du Centaure (ou Alpha Centauri, ou Alpha Cen) est un système stellaire triple. Les trois étoiles qu'il contient sont les plus proches de nous (4.37 année-lumière). Ce système est composé d'une part de deux étoiles de type solaire, Alpha Centauri A et B, séparées d'environ 20 unités astronomiques (UA = distance Terre-Soleil) et d'autre part d'une naine rouge qui orbite loin, à 15 000 UA de la paire A-B. Cette naine rouge se nomme Alpha Centauri C mais est plus connue sous le nom de Proxima du Centaure (ou Proxima Centauri ou tout simplement Proxima) car c'est des trois la plus proche du Soleil. Proxima Centauri b ou Proxima b est le nom de la planète qui vient d'être découverte et qui orbite autour de l'étoile Proxima.
N°2 Quelles sont les caractéristiques de l'étoile Proxima ?
Comme c'est l'étoile la plus proche de nous, Proxima est bien connue. Elle appartient au type d'étoile le plus abondant de la Galaxie, les naines rouges. Sa distance au Soleil est déterminée très précisément par parallaxe et fait 4,37 années-lumière. Sa température est de 3100 K, environ deux fois moindre que celle du Soleil (5 800K). Grâce à sa faible distance, son rayon a pu être mesuré directement par interférométrie tandis que sa masse est assez bien contrainte par des modèles. C'est une petite étoile dont le rayon et la masse font respectivement fait 14,5% et 12% des valeurs solaires. Elle est 700 fois moins lumineuse que notre étoile. Elle est pourtant presque aussi brillante que le Soleil en rayons X et extrême ultraviolet. C'est une étoile très active, dont la luminosité présente des sursauts fréquents.
L'âge de l'étoile est déterminé en supposant une origine commune à l'ensemble du système Alpha Centauri et en le déduisant de l'âge de Alpha Cen A et B qu'il est possible de contraindre pour des étoiles de type solaire. Proxima a un âge similaire à celui du Soleil, entre 4.5 et 5 Gyr. Mais alors que le Soleil est à la moitié de sa vie, Proxima n'en est qu'au début.
N°3 Que savons nous de la planète Proxima b ?
Si le signal détecté est bien du à une planète - ce qu'il faudra confirmer par plus d'observations - nous connaissons très précisément sa période orbitale qui fait 11,2 jours. C'est la durée de son année, soit le temps qu'elle met pour accomplir une révolution autour de son étoile. Connaissant la masse de son étoile, nous pouvons appliquer la 3ème loi de Kepler pour convertir cette période orbitale en une distance orbitale. Celle-ci ne fait que 0.05 UA, soit 5% de la distance Soleil-Terre. Combinée à la luminosité de l'étoile, cette distance nous permet de calculer le flux d'énergie que Proxima b reçoit de son étoile et qui équivaut à 65% du flux que la Terre reçoit du Soleil.
L'amplitude des modulations de vitesse que la planète induit sur l'étoile Proxima implique que la planète fait au moins 1,3 fois la masse de la Terre. Pour mieux contraindre cette masse, il faudrait connaitre l'inclinaison de l'orbite sur la ligne de visée ce qui nécessitera des observations d'un type dont ne disposons pas aujourd'hui et qui permettront de voir la planète et son mouvement autour de Proxima. Il est toutefois probable que la masse de la planète soit proche de sa masse minimale. Il y a en effet 87% de chance qu'elle fasse moins de 2 fois la masse de la Terre et 96% de chance qu'elle fasse moins de 5 fois la masse de la Terre. Il est donc presque certain qu'il s'agit d'une planète rocheuse comme la Terre. Presque.
N°4 Y a-t-il de l'eau et une atmosphère sur la planète Proxima b ?
Nous l'ignorons. Pour le savoir nous devrons probablement attendre le développement de nouveaux instruments astronomiques qui verront le jour au cours de la prochaine décennie. L'eau représente environ 0,1% de la masse de la Terre et une fraction seulement de cette eau constitue les océans, la majorité est mélangée aux roches du manteau terrestre. La diversité observée de la densité des exoplanètes ainsi que les théories de formation des planètes nous indiquent qu'une planète comme Proxima b ou la Terre peut naitre aussi bien sèche que constituée de beaucoup d'eau (jusqu'à un tiers c'est à dire 300 fois plus que la Terre).
En raison de l'évolution de la luminosité de son étoile, Proxima b recevait durant les 100 à 200 premiers millions d'années de son histoire un flux d'énergie de son étoile tel que l'eau ne pouvait exister à l'état liquide à la surface. Durant cette phase chaude, le contenu en eau de la planète, vaporisé dans l'atmosphère, était exposé à l'intense rayonnement haute énergie (X, extrême UV, particules). On pense qu'environ l'équivalent d'un océan terrestre a pu être perdu dans l'espace durant cette période. La quantité d'eau et de gaz que la planète a pu conserver jusqu'à aujourd'hui dépend donc de sa composition initiale. Proxima b peut ressembler à la planète Mercure et être dépourvue d'eau et d'atmosphère comme elle peut posséder de profonds océans sous une atmosphère épaisse.
N°5 Qu'est ce que la zone habitable ?
Proxima b se trouve en plein milieu d’une zone que les astrophysiciens appellent – à tort – la zone habitable. A quoi correspond-elle ?
Supposons qu'une planète possède de l'eau. Si cette planète reçoit trop d'énergie de son étoile, cette eau ne pourra pas exister sous forme liquide et sera vaporisée. Si elle reçoit trop peu d'énergie, l'eau ne pourra exister à la surface de cette planète que sous forme de glace. Ces deux limites définissent pour chaque étoile les bords d'une zone dite habitable où l'eau liquide est possible à la surface. Pour le Soleil la zone habitable commence entre Venus et la Terre et se termine un peu au-delà de l'orbite de Mars. Le terme de zone habitable a été donné dans les années 70-80 et conservé pour son caractère historique mail est inadéquat pour plusieurs raisons. Tout d’abord, une planète qui se trouve dans la zone habitable ne possède pas forcément de l'eau liquide à sa surface. C'est le cas de Mars. Etre dans la zone habitable est une condition nécessaire mais pas suffisante pour que l'eau liquide soit présente en surface. Il faut aussi bien sûr de l'eau, mais aussi et entre autres choses une atmosphère suffisamment épaisse, une gravité suffisante pour que l'eau et cette atmosphère ne s’échappent pas et une activité géologique capable de renouveler l'atmosphère. Par ailleurs l'eau liquide peut exister sous la surface d'une planète se situant au-delà du bord externe de la zone habitable. C'est ainsi que nous pensons trouver des océans sous la surface glacée d'Europa, satellite de Jupiter. Enfin, si la présence de vie nécessite très certainement de l'eau liquide, nous ignorons encore la liste minimale des ingrédients dont la vie a besoin pour émerger et perdurer. A nouveau, l'eau liquide est une condition nécessaire loin d'être suffisante.
N°6 Pourquoi les exoplanètes que l'on trouve dans la zone habitable nous intéressent tant ?
Si la zone habitable (où l’eau liquide est possible à la surface d’une planète) revêt autant d'importance c'est qu'il s'agit de la zone privilégiée où rechercher des exoplanètes porteuses de signatures de vie. En effet, pour trouver de la vie sous la surface d'une planète il faut s'y rendre, creuser et analyser. On peut envisager de le faire dans le système solaire mais pas dans le cas d'exoplanètes (pas avant très longtemps en tous cas). La présence d'eau liquide en surface permet à la vie d'utiliser en même temps l'eau et le rayonnement de l'étoile, source d'énergie incomparable. Ainsi, même si de nombreux organismes terrestres vivent sous la surface sans lumière, ce sont ceux qui pratiquent la photosynthèse qui ont profondément modifié l'environnement de notre planète. En captant 0,1% du flux lumineux qui atteint la surface de la Terre et en le transformant en énergie chimique, les organismes photosynthétiques maintiennent depuis 2,5 milliards d'années une atmosphère riche en oxygène. Sur les planètes qui ne sont pas dans la zone habitable, il ne semble pas envisageable de pouvoir détecter une activité biologique qui serait confinée sous la surface et n'utiliserait que le flux de chaleur interne. Par contre, dans cette zone dite habitable, la vie pourrait générer une anomalie dans la composition de l'atmosphère que nous pourrions déceler avec nos observatoires astronomiques.