"L'heure de s'enivrer - l'Univers a-t-il un sens?" Hubert Re

[Eric Musial]

"L'heure de s'enivrer - l'Univers a-t-il un sens?" Hubert Reeves Seuil 1986

"Enivrez-vous sans cesse" ( Baudelaire, cité par l'auteur )

Par exemple , en guise d'apéritif, enivrez- vous cul-sec avec une bonne bouteille de haine de l'Homme, et rattrapez-vous par une bonne dose de "phil-entropie", le goût du bordel si vous préférez, agitez bien fort ce mot dans tous les sens possibles. un peu de purée primordiale chauffée à plusieurs milliers de millions de degrés, que vous laissez refroidir à moins d'un milliard de K, , étonnez vous au passage de ce que les lois n'ont pas changé au cours des 15 (sic) milliards d'années….salez avec des cristaux de glace refroidie rapidement, hein? , -sinon c'est le gros bloc que vous aurez à pulvériser! Servez à quelques millions de K

Au passage, Reeves égratigne Einstein , brièvement rabaissé au rang des scientifiques ayant , au fil des siècles , traîné le boulet de leurs certitudes, - ou croyances? -, au point d'hypothéquer leurs travaux. Sa célèbre " Dieu ne joue pas aux dés" ou son refus , au moins temporaire, d'un Univers en expansion, avec l'ajout de la constante cosmologique qui va bien , ne lui sont pas épargnés.

Notre le phil-entrope venu du froid Québec nous pose une colle :"pourquoi la force nucléaire n'a-t-elle pas transformé toute la purée cosmique originelle dés le moment où la température aurait permis le gel de la matière nucléaire en noyaux cosmiques? un phénomène de surfusion cosmique se serait produit , qui rappelle l'histoire des chevaux du lac Lagoda . …

En passant , le lecteur profane que je suis a retenu que la force nucléaire est "paralysée par le froid" ( à 3 K environ) . En évoquant "un froid à se geler les noyaux", il aura plaisir à réaliser tel M. Jourdain, qu'il fait de la science sans le savoir!!!

Il "saura" "pourquoi les forces , après leur entrée en œuvre , n'achèvent-elles pas leur travail , pourquoi elle laissent ainsi le champ libre à toute cette variété, sans la réduire, plus tard à la monotonie…"

Il s' intéressera de même au rayon du proton : 10-13 cm, et sera d'accord avec Edington qui estimait plus commode de choisir cet étalon pour évaluer la distance de l'horizon cosmique , ça donnerait 10 40 . Un chiffre magique si l'on sait que c'est précisément le rapport d'intensité des forces électromagnétiques et de gravité liant l'électron au noyau d'Hydrogène… ou encore la racine carrée du nombre estimé de nucléons à l'intérieur de l'horizon cosmologique (10 80). C'est également l'âge de l'univers en temps mis par la lumière pour traverser un proton.
En 2016, ces notions auraient-elles encore de la valeur ?


Après avoir contourné le Mur de Planck, le lecteur se balade au gué des notions "spéculatives" ( forme de l'univers…), puis s'aventure en terre métaphysique. en 1986 , l'année de Tchernobyl -sujet à peine évoqué dans le livre , trop frais pour en débattre? - Reeves, après de multiples références au "tristes tropiques " de Levi-Strauss fait part de son profond pessimisme sur la capacité de l'homme à préserver son environnement. Je gage qu'il n'a guère dû changer d'avis depuis…