"Avant le big bang" : les Bogdanoff ou Ciel et Espace ?
Publié : 22 janv. 2011 00:58
Le numéro de février de C&E versait encore dans le sensationnel :
Julien a tenu à apporter une petite précision :
Ce à quoi je répondais :L'Univers avant le big bang.
L'origine du cosmos est remise en cause
L'univers est-il né ?
C'est un pavé qui fait des ronds dans la mare de la première “image” de l’Univers ! Il a été lancé par deux chercheurs, sous la forme d’un article non soumis à leurs pairs, où ils expliquent avoir découvert, dans la carte thermique des premiers temps du cosmos, de bien curieux cercles révélateurs d’événements ayant eu lieu “avant” le big bang… Cette carte, réalisée par le satellite américain WMAP, est une représentation de l’ensemble de la sphère céleste. Elle est comme l’échographie du “bébé Univers”. On y voit des couleurs, des irrégularités, la trame thermique de l’espace-temps telle qu’elle se dessinait 380 000 ans après LE mur sur lequel butent les scientifiques. Celui dit “de l’origine”
> Et c’est reparti !!!
> Ciel et Espace fait encore sa Une sur un sujet polémique sur la base
> d’un article non publié ! Finalement, ils devraient embaucher les
> Bogdanoff, ils n’en sont pas si éloignés...
Julien a tenu à apporter une petite précision :
C'est clair que le titre est à nouveau pompeux...
cela dit, l'article dont il est question est sûrement celui-ci:
http://arxiv.org/abs/1011.3706" onclick="window.open(this.href);return false;
Je peux essayer de dire quelques mots dessus, car le résumé de ciel et
espace et très imprécis et induit en erreur... (accrochez vos
ceintures, c'est parti!)
J'ai eu la chance de suivre l'an dernier un exposé sur ce sujet de
Roger Penrose en personne, qui est un des deux auteurs de cet article.
A noter d'abord que ce monsieur a, en plus d'avoir été pendant
longtemps le plus proche collaborateur de Stephen Hawking, jeté les
bases de nombreux domaines de mathématiques et physique moderne, ce
qui fait de lui un des plus grands mathématiciens de la 2ème moitié du
XXème siècle (et sans doute un grand physicien aussi, mais je peux
moins le juger là-dessus).
Ici, ses idées (et celles de son collaborateur, du moins le peu que
j'ai compris) reposent sur l'idée que l'Univers, s'il est, comme cela
semble être le cas, en expansion accéléré (avec la "constante
cosmologique" d'Einstein positive), peut tout de même être cyclique.
Cela a l'air contradictoire bien sûr.
En effet l'Univers, s'il grandit indéfiniment, ne peut pas se
contracter, donc pas de "big crunch" ...
Par contre, le fait que cette constante cosmologique soit positive
induit que l'espace-temps a une "bonne" structure à l'infini.. Ça veut
dire quoi??
Pour mieux comprendre, il faut ramener l'infini à quelque chose de
fini en réalisant une "compactification". Désolé pour le terme barbare
mathématique, je vais m'expliquer sur cet exemple:
Prenez une ligne droite. Sur une feuille, vous ne pourrez tracer qu'un
segment de celle-ci au crayon, mais imaginez quand même qu'elle est
infinie.
Et bien faire une "compactification" de cette droite, c'est la
déformer en un cercle privé d'un de ses points; chaque point de ce
cercle tronqué est associé à un unique point de la droite, et
inversement (par une "fonction bijective").
Seulement en faisant cela, il manque un point à notre cercle. On va
donc ensuite le fermer, en y ajoutant ce point qu'on appelle "point à
l'infini".
Donc, c'est comme si on avait ajouté un point pour pouvoir se ramener
à un objet "fini".
Et bien les deux auteurs de l'article font en gros la même chose.
L'Univers va grandir indéfiniment? Qu'à cela ne tienne, on peut le
compactifier, en rajoutant le temps "t= infini", et se ramener à une
structure "finie". En étudiant le bord de cet objet, "bord à
l'infini", un théorème mathématique affirme que ce bord est "lisse":
en quelque sorte, il est "bien".
Tellement "bien" qu'il est possible d'accrocher une autre copie de
l'univers compactifié de l'autre côté du bord.
Ce bord représente donc la transition entre un univers, et le
suivant... et le tour est joué! L'univers suivant aura la même
constante cosmologique, on pourra donc répéter la construction, et
cela autant de fois qu'on le souhaite. Nous voilà donc bien avec une
structure cyclique, même si le temps de chaque cycle est infini...
Pour finir, les auteurs de l'article affirment que les trous noirs, en
s'évaporant au bout d'un temps très long, finissent de s'évaporer
brutalement et libérant des ondes gravitationnelles. Celles-ci, à leur
tour, en se propageant à l'infini, pourraient laisser des marques sur
ce "bord à l'infini" que j'évoquais juste au-dessus. Et les habitants
de l'Univers "suivant" pourraient détecter leurs effets dans le fond
diffus cosmologique. De la même façon, nous pourrions peut-être
détecter les marques des évaporations des trous noirs de l'univers qui
précéderait le nôtre en étudiant les images obtenues du fond diffus
cosmologique... C'est ce dont il est question dans cet article.
A noter que les auteurs eux-mêmes reconnaissent que tout ceci n'est
qu'une hypothèse, à prendre avec des pincettes, même si cette théorie
est séduisante...
D'ailleurs un papier d'il y a quelques semaines remet en cause
l'interprétation de leurs mesures... l'histoire est loin d'être finie!
Désolé si je vous ai ennuyé avec ce mail, ça me tenait à coeur!
Peut-être que ça pourrait être une idée de sujet pour une réunion du
groupe astrophysique, dans ce cas j'aurais bien aimé être là!